Intervention à la Commission Exécutive du 20 décembre 2018

Mon intervention sera développée dans un contexte particulier, de préparation de fêtes de fin d’année pour la plupart d’entre nous, mais aussi dans une situation sociale, économique, environnementale et géopolitique pour le moins, complexe et dégradée pour les populations dans le monde, en Europe et en France.

Les tensions politiques, les guerres et affrontements, la montée des populismes et de l’extrême droite génèrent xénophobies, discriminations accrues, colères, rejets et violences avec une stigmatisation dangereuse des migrants, entre autres.

Ils sont de plus en plus rejetés, montrés du doigt, dénoncés et font le jeu de ping-pong entre les pays européens notamment, « stockés » sur des bateaux à qui on refuse l’accostage !

Pour votre information, sous la pression de l’Italie, les autorités panaméennes ont annoncé qu’elles retiraient le pavillon de l’AQUARIUS pour « non-respect » des « procédures juridiques internationales » concernant le sauvetage de migrants en mer Méditerranée.

L’AQUARIUS serait alors considéré comme un bateau « pirate ». Inutile, toutefois, d’imaginer le navire fendre la mer, toutes voiles dehors, et secourir des naufragés à la manière d’un justicier hors-la-loi.

Pour autant, les solidarités existent, à l’exemple de ce pécheur espagnol qui a sauvé des migrants en mer et est atterré qu’un accostage lui soit refusé et le dénonce fort !

Pour autant, les colères et les mobilisations existent et se construisent dans des entreprises, des secteurs ou avec les gilets jaunes, nous devons y revenir ensemble pour affirmer notre place sans gêne, récupération, justification, ni jugement !

Dans ce contexte, les questions de rassemblement, d’unité, de solidarité reviennent très fort et la question de la convergence des luttes prend, si ce n’est encore plus de sens dans nos rangs, une place dans le débat médiatique.

Cette mobilisation « des gilets jaunes » a généré et continue de générer beaucoup de débats, de discussions parfois divergents, tendus, voir clivants dans l’organisation CGT.

C’est plutôt sain et c’est nécessaire car cela nécessite une analyse posée, lucide, objective, à partir de nos réalités d’organisation qui ne sont pas nouvelles, ainsi que du contexte.

Plusieurs questions sont posées au syndicalisme et elles ne sont pas forcément nouvelles pour nous : démocratie et démocratie sociale, modalités d’actions, ancrage dans l’entreprise, présence de la CGT dans les entreprises lorsque l’on sait que nous ne rayonnons que sur 22% du salariat seulement, opinion publique et soutien mais qui ne vaut pas forcément engagement, visibilité de nos actions et propositions, manipulations et orchestration médiatique, etc. …

Peut-être une première remarque, il nous faut être attentifs et éviter la globalisation sur cette appellation « gilets jaunes » car, nous l’avons dit, il y a une très grande disparité parmi tous ceux qui participent à ce mouvement.

Et pour ce qui concerne la CGT, ce sont la colère et les revendications qu’expriment les salariés, les jeunes, les privés d’emplois, les retraités qui nous intéressent car elles rejoignent pour une bonne part ce que nous portons depuis des mois, pour ne pas dire des années et notamment lors de la journée du 9 octobre où la mobilisation « importante » aussi ce jour-là (près de 300 000 manifestants) n’avait pas trouvé tant d’échos dans les médias !

Par contre, à raison, la CGT condamne ceux qui y participent avec d’autres desseins, comme le patronat, les fachos, les racistes et ces fameux « casseurs » qui nous ont trop souvent perturbés ou empêchés de manifester, comme le 1er Mai dernier.

Préciser cela, c’est éviter une posture génératrice de clivages : on doit en être, on ne peut être à côté parce qu’il y a des salariés, des syndiqués et des militants et, des endroits où on ne doit pas en être parce qu’il n’y a que des fachos et des patrons.

Beaucoup de revendications portées par les participants au mouvement des gilets jaunes rejoignent les nôtres, notamment sur le pouvoir d’achat, mais la vigilance est nécessaire sur la dimension augmentation des salaires refusée aujourd’hui par le patronat sous prétexte de compétitivité des entreprises, et cette volonté du gouvernement, déjà dénoncée, de miser sur le chiffre en bas de la fiche de paie avec les exonérations de cotisations sociales.

La question des taxes et impôts nécessite beaucoup plus de justice sociale et l’augmentation des salaires, pensions et minimas sociaux est une des réelles réponses. Comme revient fort la question de la répartition des richesses.

Les Samedis 1er et 8 décembre 2018, toute la journée sur les chaînes télévisées, nous avons entendu et vu des scènes de violences et de dégradations.

Comment pourrait-il en être autrement avec ce gouvernement qui joue « l’incendiaire » social en laissant pourrir la situation et en reculant sur des « mesurettes » lorsque des violences éclatent.

Si la CGT n’est pas partisane de l’action violente et qu’elle condamne les actes violents provenant essentiellement de groupuscules radicalisés d’extrême droite comme « action française » ou « bastion social » et d’extrême gauche ainsi que les actes perpétrés par certains voyous, elle condamne tout autant l’usage démesuré de la force par la police, en prononçant les mots « violences policières ».

Elle rappelle que la première violence est sociale : ne pas arriver à finir ses fins de mois c’est une violence, les contrats précaires, c’est une violence, ne pas pouvoir se soigner correctement, c’est une violence …

La CGT condamne également les violences et les humiliations subies par les lycéens en lutte contre le tri social pour l’entrée à l’université, qui veulent des moyens pour l’éducation et avoir le droit d’espérer un avenir de progrès.

Je pense que comme moi vous avez dû être choqués et ulcérés par cette photo qui a fait le tour des réseaux sociaux, des lycéens de Mantes-la-Jolie agenouillés face au mur et menacés par les forces de l’ordre.

Ça m’a fait penser à certaines images de citoyens arrêtés pendant la dernière guerre mondiale ou du Chili de Pinochet, les mitrailleuses en moins.

Pour ceux qui ont vu la vidéo, les commentaires des forces de l’ordre ne sont pas dignes d’une police républicaine. La CGT ne peut pas accepter et n’acceptera jamais que le pouvoir frappe et tape nos enfants, qui sont également ceux de la République.

Revenons aux « gilets jaunes » qui étaient le 8 décembre, 125 000 mobilisés dans toute la France selon les sources du ministère de l’intérieur. Mais nous savons tous quoi penser de ces chiffres. Ils sont probablement à multiplier au moins par 3.

Dans sa stratégie, la CGT estime que c’est par la grève que nous gagnerons l’augmentation des salaires, des pensions et des minimas sociaux. Vous noterez là aussi, une différence dans le mode d’action avec le mouvement des « gilets jaunes ».

Vous aurez aussi noté que le MEDEF est aux abonnés absents et que personne à part la CGT ne vient le chatouiller. Il est grand temps que l’on recentre les enjeux là où ils se trouvent !

Monsieur Macron s’est exprimé face aux français. Dans son discourt il ne donne pas de réponse politique mais annonce quelques mesures concrètes immédiates et fortes :

  • Augmentation du pouvoir d’achat avec 100 euros par mois dès janvier 2019 pour les salariés qui sont au SMIC mais en anticipant l’augmentation de la prime d’activité. Concrètement le SMIC va augmenter de 3 % au 1er janvier soit 25 € et c’est tout puisque tout le monde n’a pas accès à la prime d’activité.
  • Heures supplémentaires défiscalisées et libérées des charges cotisations sociales, le nouveau monde fait du Sarkozy !
  • Annulation de la CSG pour les retraités qui ont moins de 2000 euros par mois. Donc si l’on suit la logique Jupitérienne à 2001 € mensuel on est fortuné !
  • Prime de fin d’année (sans cotisations ni impôts pour les entreprises) au bon vouloir des employeurs. A suivre dans les IEG après les annonces de certaines entreprises.
  • Il promet de faire la chasse à l’évasion fiscale.
  • Par contre il ne remet pas en cause la suppression de ISF.

Pourtant ces mesures ne sont ni plus ni moins que de l’enfumage et ne sont pas de nature à permettre à une majorité de la population de boucler des fins de mois de plus en plus difficiles.

Rien pour les fonctionnaires, rien pour les minimas sociaux et mesquinerie suprême, ce sont les salariés au SMIC qui vont se payer eux-mêmes leurs augmentations et c’est tout le monde qui va en pâtir et notamment les plus précaires car moins de cotisations signifie moins d’argent pour la solidarité.

A cet instant le constat est lourd depuis le 17 novembre, 8 morts, plus de 800 blessés dont 100 graves.

Certains disent que nous ne pouvons pas faire « d’omelettes sans casser des œufs » mais doit on « payer » aussi chère ?

Lors des différentes initiatives des gilets jaunes, la confédération CGT a appelé les syndicats à s’inscrire le 14 décembre 2018 puis le 18 décembre 2018, avec peu de succès.

Même si cet appel était de lier les cahiers revendicatifs avec les enjeux sociétaux actuels, force est de constater que ni la participation à l’action interpro, 500 manifestants dont une vingtaine de l’énergie, ni les taux de grévistes n’étaient à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, certaines organisations CGT avaient décidé d’appeler à rejoindre les gilets jaunes les samedis, mais sans réussir à grossir le mouvement.

Dans le même temps, je ne peux qu’aussi évoquer l’atroce tuerie sur le marché de Noël de Strasbourg où cinq personnes ont perdu la vie et 10 autres sont blessés, sous l’attaque aveugle du terrorisme manipulé par certains discours religieux et politique.

Je ne peux terminer sans ré-insister sur les dimensions de vie syndicale pour notre syndicat : mise en œuvre des décisions de notre comité général, renforcement du nombre d’adhérents, et liens interprofessionnels en proximité.

La période nécessite d’allier sang-froid, analyse et réactivité pour autant.

Nous avons une stratégie avec des étapes, une démarche, un processus, nous ne devons pas nous en détourner ni laisser certaines de ces étapes, avec la réactivité nécessaire au regard de l’actualité. Nous devons lier construction et action en permanence sur les cahiers revendicatifs définit par les salariés.

Place aux débats.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Avertissez-moi de tous nouveaux commentaires via courriel. Vous pouvez également vous inscrire sans commenter.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.